Crescendo : le nouveau jeu de grattage de la Française des Jeux

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La Française des Jeux (FDJ) commercialise à partir de ce lundi 8 novembre 2010 un nouveau jeu de grattage qui peut rapporter jusqu’à 250.000 €.

Baptisé Crescendo, le ticket de jeu est vendu 5 € chez les buralistes et boutiques FDJ. Les gains varient de 5 à 250.000 €. Le site internet de la FDJ permet également de jouer à Crescendo en ligne.

Le principe du Crescendo est simple : il suffit de gratter les 7 flèches et la couronne. Si les numéros découverts sous une même flèche correspondent aux numéros gagnants affichés dans la couronne, vous gagnez la somme associée à ladite flèche. Si plusieurs flèches s’avèrent gagnantes, les gains associés se cumulent.

2 Commentaires le Crescendo : le nouveau jeu de grattage de la Française des Jeux

  1. martignoni le 21/12/2010 á 18:00

    JEU COMPULSIF = UN NOUVEAU BUSINESS

    Les spécialistes de l’addiction inquiètent les sociologues.

    Sociologue spécialisé dans le gambling depuis quelques années, je conteste la doxa du jeu pathologie maladie, fortement en conflit d’intérêts dans cette affaire. Les études sur le jeu excessif ( souvent contradictoires) ont longtemps prétendu qu’il y avait entre 1 et 3% de joueurs addicts. Le canadien Robert Ladouceur, financé par l’industrie des jeux depuis 20 ans, a vulgarisé cette très large fourchette, qui permet de faire peur et de rassurer. Bien joué. Mais on était déjà dans le lobbying, l’instrumentalisation et non dans la rigueur scientifique. Il a désormais soudainement réduit sa fourchette ( de 0,8 à 1,8% mais on passe quand même du simple au double) pour rassurer les opérateurs occidentaux, sauf en Asie ou il a sans doute repéré un nouveau marché, pour exploiter le business du jeu compulsif.

    Par ailleurs je conteste la vision d’un joueur forcément désocialisé, seul devant sa machine à sous ou désormais seul devant son ordinateur pour flamber en ligne. Dans les casinos socialités et sociabilités sont nombreuses. On peut facilement engager la conversation, faire des rencontres. Idem pour les jeux d’argent sur Internet ou de nombreux blogs existent autour du poker. Nos dernières recherches soulignent une synergie jeux virtuels, jeux en dur. On joue sur la toile et ensuite on va dans les casinos. Pour les purs players internet , il faut faire des études microsociologiques, avant de raconter n’importe quoi sur les jeux en ligne.

    Plus globalement dans notre société du care, on tente en réalité de médicaliser des pratiques sociales et culturelles pour se donner bonne conscience et désormais pour faire de l’argent ( ici le business du jeu compulsif). C’est scandaleux et bien entendu ce sera totalement inefficace. Après la drogue, l’alcool, le tabac, la doxa du jeu pathologie maladie a trouvé ici un excellent relais de croissance. Son intérêt c’est bien entendu que le gambling se développe et non l’inverse. Ca les opérateurs l’ont bien compris et ils sont prêts à lâcher quelques millions à condition que la doxa ne fasse pas trop de bruit et dans le meilleur des cas collabore à la conception de nouveaux jeux et sortent des bons chiffres en matière d’addiction. « Soyez raisonnable… mais pas trop » comme les tirages de la Française des jeux à la télévision.

    Sur le fond – scientifique – du dossier : il y a danger à aborder ces jeux à travers la problématique de l’addiction, car une fois acceptée comme entité morbide individualisé, les jeux de hasard sont analysés comme des formes plus ou moins aigues de jeu pathologique.C’est une évidence, toute pratique excessive peut être dangereuse, dans le jeu comme ailleurs. Tout le monde le sait, les joueurs aussi et ils le savent peut être mieux que les membres de la doxa dont la plupart n’ont jamais joué ( un autre univers pour eux). Mais rien ne prouve que le jeu lui-même soit « la cause originelle » de cette excessivité, et rien n’indique en outre que l’excessivité soit forcément synonyme de pathologie. Il faut analyser la biographie du joueur et son histoire sociale, économique, familiale, conjugale… avant de le traiter un peu facilement de drogué du jeu. Les dernière recherches neurobiologique en matière de dépendance et de drogue – qui étudient l’hypothèse génétique (une hypothèse déjà très osée pour un sociologue) – sont très prudentes. Elles précisent « il y a probablement – c’est même pas sur – une sensibilité génétique mais elle se combine avec l’environnement, notamment avec l’histoire de l’individu, pour entrainer une vulnérabilité biologique » précise Serge Ahmed .

    Sur la prévention il y a en déjà pas mal dans les casinos et sur la toile et dans les publicités sur les jeux en ligne. Mais on sait aussi que trop d’information ( répétitive, normalisée..) tue l’information. Expertisons tout cela de manière indépendante. En outre est-ce vraiment aux opérateurs de définir les normes en matière de jeu responsable comme tente de le faire actuellement la Française des jeux en commandant une étude de normalisation à l’AFNOR ? On est dans l’autorégulation qui défend des intérêts particuliers et non dans la régulation qui défend l’intérêt général. On comprend pourquoi le Comité consultatif des jeux n’a toujours pas été installé

    Sur l’impact des jeux en ligne sur les Français la également on peut se demander si c’est le rôle des opérateurs de financer ces études, comme le fait actuellement la Française des jeux en finançant une recherche au CHU de Nantes à hauteur de plusieurs millions d’euros, une étude à Bichat ( ou comme par hasard on retrouve Robert Ladouceur). Le conflit d’intérêts est scandaleux. Jusqu’à quand cette comédie ( qui a semble t il l’aval des pouvoirs publics) va t elle durer ? On comprend pourquoi un observatoire des jeux de hasard indépendant des opérateurs n’a toujours pas été installé.

    Il faut bien entendu étudier et mesurer toutes les conséquences ( positives et négatives) des jeux en ligne, mais ce n’est pas aucune aux opérateurs de le faire, et encore moins à la doxa du jeu pathologie maladie qui est financée par les opérateurs et qui ne manque pas d’air dans cette affaire. Qu’ils se contentent de soigner les joueurs, ce ne sera déjà pas si mal ! Et en espérant qu’ils obtiennent de meilleurs résultats qu’en matière de drogue. « Car jusqu’à présent c’est chez les toxicomanes qu’on a étudié les effets de la drogue, et pour l’instant cela n’a pas permis de déboucher sur des traitements efficaces »

    C’est sans doute pour cette raison que depuis plusieurs mois ( et ce n’est pas leur première tentative) une partie des addictologues et des spécialistes en toxicomanie ( mais également des sociologues) mènent une campagne éhontée reliée par une presse complaisante ( le Monde et Libération en tête) qui frise la propagande, en faveur des « salles de shoot », qui souligne un renoncement total et une idéologie du politiquement correct poussée à l’extrême, outre un mépris du peuple, jamais consulté, censé financé ces « thérapies » hasardeuses, écœurantes . Par contre remarquons qu’à l’endroit des jeux d’argent la doxa du jeu pathologie maladie n’a jamais proposé de fournir un petit pécule quotidien aux drogués du jeu pour qu’ils aillent se shooter dans les casinos ou sur internet. Peur de l’enfer du jeu ou ethnocentrisme culturel ? Des sociologues s’interrogent. Idem pour l’addiction aux jeux vidéo ou la doxa du jeu pathologie maladie semble beaucoup plus soft et moins alarmiste , plus prudente qu’en matière de jeux d’argent, et beaucoup moins acerbe pour critiquer cette puissante industrie des jeux vidéo qui pèse plus lourd que le gambling. En agissant ainsi de manière différenciée, la doxa ( une partie majoritaire d’entre elle bien entendu) dévoile en réalité peut être plus de sa proximité culturelle avec certains produits ( drogues qu’elle a parfois directement testé dans les années 70 !!, jeux vidéos), de son ethnocentrisme avec d’autres produits ( jeux d’argent), que de sa volonté d’œuvrer réellement pour une politique de santé publique.

    JP Martignoni.

    Sociologue
    Université Lyon II

    Décembre 2010

  2. martignoni le 02/11/2011 á 18:45

    LES TROIS PARADOXES DE LA POLITIQUE DES JEUX FRANCAISE

    Jean-Pierre G. Martignoni-Hutin ( sociologue)

    —-

    Sauf quand tombe un pactole de 162 millions (Euro Millions), une tirelire à 10 ( Quinté+), que la Française Des Jeux cherche un joueur étourdi qui a oublié de venir retirer un gain de 8 millions (Loto) ou qu’un casse vide les caisses d’un casino, les jeux de hasard font rarement la Une de l’actualité des grands médias. Il faut dire que ce secteur sensible – le gambling – n’a rien de stratégique, même s’il pèse d’un poids certain au niveau économique, fiscal, sociologique. La clause de revoyure de la loi sur les jeux en ligne, qui arrive à échéance le 13 novembre, doit être l’occasion pour le gouvernement de faire le point sur sa Politique Des Jeux, et doit permettre aux autre acteurs du champ de débattre sur les multiples enjeux de cette politique, comme le fera la prochaine livraison de la revue Pouvoirs (1)

    Comme l’ont précisé différents rapports récents (2) – et notamment celui du Sénateur François Trucy (3) – il s’agissait davantage par cette législation, de réguler une activité illégale existante, que de libéraliser de manière sauvage la totalité du marché ludique. C’est désormais chose faite. Les joueurs internautes peuvent maintenant – dans la légalité – jouer au poker en ligne, parier sur les courses hippiques ou de nombreux sports, tout en étant « presque » certains de ne pas se faire duper sur des sites mafieux. L’affaire Full Tilt Poker – une salle de poker en ligne accusée par la justice Américaine d’être une chaîne de Ponzi – indique en effet que la surveillance des opérateurs virtuels ne constitue pas une mesure liberticide, mais favorise au contraire le gambling virtuel, tout en défendant les intérêts des joueurs pour éviter qu’ils ne se fassent pigeonner.

    La « modernisation » de la Politique Des Jeux de la France, inaugurée par Nicolas Sarkozy avec les casinos quand il était Ministre de l’intérieur et qui a abouti à cette fameuse loi du 12 mai 2010, apparait donc un succès, quoiqu’en disent ses détracteurs. L’accusation des « amis du Fouquet’s » – vs jeux d’argent – a fait long feu. Si certains « amis du Président » ont « profité » de cette loi dite « d’ouverture maitrisée à la concurrence », les deux opérateurs historiques (FDJ et PMU) sont loin d’avoir été lésés, bien au contraire. C’est en réalité de manière certaine ( et le dernier rapport du Ministre du Budget en témoigne fortement ) (6) un double intérêt national – public et privé – et la volonté de se mettre à jour vis-à-vis des directives et injonctions européennes, qui ont prévalu dans les choix gouvernementaux, après de nombreux arbitrages, un gros travail parlementaire et sénatorial, ensemble qui souligne que la France n’est pas une République Des Jeux… bananière.

    Néanmoins, pour passer d’une politique d’intérêt national – qui peut paraître protectionniste et contradictoire à certains égards – à une politique d’intérêt général, trois paradoxes devront un jour ou l’autre être levés. Cette rupture permettra d’aboutir à une Politique des jeux « pacifiée » qui, sans oublier son devoir de responsabilité, soit ambitieuse et n’ait pas peur de son ombre.

    ➢ Le premier paradoxe c’est celui bien connu d’Etat Croupier. Chacun le reconnaît le gambling qui traîne une symbolique sulfureuse ancienne liée à son histoire, doit être contrôlé, surveillé, réglementé pour éviter toute tricherie et de nombreux autres dérives ( blanchiment…). C’est ce que fait l’Arjel pour les jeux en ligne, la Police des jeux pour les casinos et les courses… Le problème quand l’Etat est croupier c’est, d’une part que la réglementation peut être perçu comme de l’auto régulation, d’autre part que les règles ne sont pas les mêmes pour tout le monde. L’autorité publique peut avoir tendance à privilégier l’opérateur dont il est l’actionnaire majoritaire. L’opérateur historique de son coté va avoir tendance à faire comme bon lui semble. Par ailleurs, plusieurs autres volets de la politique des jeux vont avoir du mal à être mise en place de manière cohérente et crédible, à cause de cette double casquette portée par l’Etat.

    ➢ C’est le cas par exemple de la politique de jeu responsable qui entraîne un deuxième paradoxe. Dans le cadre du projet de loi sur les jeux en ligne, les pouvoirs publics ont fortement accentué leur politique de jeu responsable (information/ prévention, numéro vert, lutte contre le jeu excessif, le jeu des mineurs, les interdits de jeu….) Soucieux de santé publique, et afin de répondre aux attentes européennes de protection des joueurs, ce concept de jeu éthique a néanmoins été fortement instrumentalisé par certains professionnels de l’addiction – en conflits d’intérêts dans cette affaire – qui constituent une doxa scientiste fortement contestable et fortement contestée par les autres chercheurs en sciences sociales ( sociologues, économistes, historiens…). Passion ordinaire, pratique sociale et culturelle, le jeu est un Fait Social avant d’être une maladie. Par ailleurs cette politique de jeu responsable apparaît rapidement en contradiction avec la libéralisation partielle des jeux en ligne, nonobstant la croissance accrue des jeux en dur opérée par la FDJ et le PMU ces dernières années, avec une forte accélération ces derniers mois. Ce paradoxe a été souligné avec vigueur par l’autorité de la concurrence dans son Avis du 20 janvier 2011, « Ainsi, la lutte contre l’addiction au jeu entraîne nécessairement la recherche d’une limitation de la consommation, et partant, de l’offre de jeux, alors que le droit de la concurrence vise à stimuler la concurrence pour améliorer les conditions de vente d’un produit ou service et en faciliter l’accès le plus large possible au consommateur ».

    ➢ Dernier paradoxe celui d’un libéralisme ludique qui – contradictoirement – serait principalement basé sur la réglementation et la fiscalité. A cause des deux paradoxes cités avant, l’autorité publique et la représentation nationale ont crû bon de manière préventive, de fortement réglementer et fiscaliser les jeux en ligne. Chacun à rajoutant une couche au cours de la navette parlementaire, comme si la classe politique voulait se donner bonne conscience, comme si l’Etat voulait sécuriser sa fiscalité. La critique de la réglementation est bien connue, elle n’a jamais été démentie : trop de réglementation peut tuer la réglementation et peut même tuer le business, notamment quand il est en cours d’installation comme c’est le cas pour les jeux en ligne. Idem en matière de fiscalité. Conscient de cette réalité, et face aux résultats financiers moins bons qu’attendus, les responsables du dossier veulent désormais « rendre plus attractifs » les jeux en ligne en jouant notamment sur une baisse de la fiscalité, mesure revendiquée et soutenue par les professionnels du secteur. Ce à quoi Valérie Pégresse, vient de répondre que face à un dossier aussi complexe et qui met en cause la fiscalité des jeux en dur, la définition du PBJ… il fallait mener « un travail complémentaire approfondie » (4) qui vient d’être confié à Jean François Lamour. Au delà de son aspect technique très complexe, une question simple doit être posée : « dans une économie de marché l’économie d’un marché » – ici le marché ludique sur internet – doit-elle être régie par la fiscalité, la réglementation ou en laissant jouer la libre concurrence, la loi de l’offre et de la demande. Cette problématique de la régulation économique, abordée lors du colloque organisé par Nicolas About ( sénateur des Yvelines) en avril 2010 (5), la classe politique dans son ensemble devra un jour y répondre franchement.

    Il y a sans doute plusieurs chemins pour aboutir à une bonne sécurité des jeux en ligne et à une « saine » fiscalité qui n’entrave pas le commerce du jeu virtuel ou en dur. Assurément, à cause de son orientation et des 49 recommandations qu’il contient, le « rapport d’évaluation » que vient de remettre la Ministre du Budget au Gouvernement (6) va fortement relancer le débat et faire couler beaucoup d’encre. Souhaitons cependant que les décideurs politiques en charge du dossier trouvent rapidement leur chemin de Damas, pour ne pas que l’aventure ludique des jeux en ligne se transforme en chemin de Croix liberticide. L’ensemble des acteurs du secteur devraient aborder ces différents registres de manière sereine, car le succès des jeux de hasard en ligne, comme celui des jeux d’argent en dur, dépendra largement de l’environnement macro économique. Par ailleurs les protagonistes du champ concerné ont un intérêt commun. Ils souhaitent tous – comme les joueurs qui s’engagent dans l’aventure ludique – « remplir leur bougette »(7).

    © JP Martignoni , Lyon, France, octobre 2011, 188.

    Notes
    (1)Pouvoirs (revue française d’études constitutionnelles et politiques), n°139, Les jeux d’argent ( à paraître en novembre 2011)
    (2) Celui d’Aurélie FILIPPETTI et de Jean-François LAMOUR, celui de l’Afjel (Association Française du jeu en ligne) , celui de l’Arjel ( Autorité de régulation des jeux en ligne)
    (3)Rapport d’information n°17 , Sénat, 12 Octobre 2011, 315 pages
    (4) « Taxation des jeux en ligne : pas de réforme, mais une mission à M. Lamour « ( message AFP du 21 octobre 2011
    (5)« Quelle place, quel rôle pour les nouveaux entrants ? « , 2° assises du jeu de hasard et d’argent, Paris, Palais du Luxembourg, 20 avril 2010.
    (6) « Ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne » (Rapport d’évaluation du Gouvernement , loi n° 2010-476 du 12 mai 2010, octobre 2011, 71 pages)
    (7) Ancien mot de la langue française qui désignait une bourse ou un coffre ou l’on met de l’or. Après avoir voyagé notamment en Angleterre, ce mot nous est revenu sous le terme Budget.

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